Monographie de Mr Lebel

instituteur à Viessoix en 1886

 

A 10 kilomètres de Vassy et 7 kilomètres de Vire;
Population: 902 habitants;
Superficie: 1285 hectares;
Bureau de poste desservant la commune: Vire.

Situation:

La commune de Viessoix est située à l'extrémité sud-ouest du canton de Vassy. Elle en occupe le troisième rang par la population et le quatrième par son étendue. Son revenu annuel la classe seulement au onzième rang, mais le centime communal vient au cinquième.

Hameaux:

43 hameaux se partagent son territoire. Ce sont: le Bourg, les Acres, la Bijude, la Boêlle, le Bois, les Petits Bois, le Bois de Pirriers, la Bouillante, la Bunellière, la Cauvinerie, les Champs, le Chemin, le Chêne, la Cibotière, les Clos, la Coulomberie, la Coquerie, la Cosnonnière, Creulley, le Croisel, la Duverie, les Fourmis, la Grainonnière, la Jouberie, les Basses-Landes, les Hautes-Landes, la Minfrie, la Mercerie, la Michellerie, la Monterie, le Moulin de Viessoix, la Mouricière, le Parc, Pavée, la Personnerie, Pirriers, le Pont, la Ritière, la Saumonnière, la Tinturerie, les Templeries, la Thominoterie, le Val.

Commerce:

Deux d'entre eux ont une importance relative:

1°: le Bourg, comprenant actuellement 34 maisons et 95 habitants;

2°: la Bouillante, placée à 4 kilomètres à l'est de celui-ci, qui possède la gare du chemin de fer (ligne de Paris à Granville), 11 maisons et 50 habitants.

Ces deux centres se partagent tout le commerce de la localité. La Bouillante fait surtout un trafic d'amendements et d'engrais: chaux, charrée, guano, engrais chimiques, etc...

Agriculture:

La commune de Viessoix est essentiellement agricole, et l'on doit reconnaître que la ténacité de ses habitants a su vaincre aussi complètement que possible l'aridité du sol, composé, pour un quart au moins, de terrains rocailleux ou froids, autrefois en bois ou en landes.

Les prairies naturelles et les plants de pommiers y ont pris une grande extension. Le cidre de Viessoix est estimé.

Cours d'eau:

Un cours d'eau y prend sa source: le Viessoix, qui reçoit à gauche le ruisseau de Frédouit, venant de Roullours, à droite la rivière de Chênedollé, et verse ses eaux dans un affluent de la Vire, l'Allière, sur le territoire de la commune de Burcy.

Territoire:

Le procès-verbal de délimitation de la commune est du 24 août 1824; mais par suite d'un accord intervenu avec celle de Roullours, un échange de divers hameaux fut réalisé en l'année 1828. Ces modifications avaient été acceptées par le Conseil municipal de Viessoix le 19 juillet 1827.

Noms de la commune:

Aucun document ne renseigne sur les origines de la commune de Viessoix. On peut supposer cependant qu'elle était autrefois désignée sous le nom de Saint-André, cette appellation se retrouvant encore assez fréquemment dans le langage des anciens du pays, parfois, faut-il le dire, avec adjonction d'une épithète peu flatteuse pour la bonne foi commerciale des habitants. Un acte inscrit sur les registres de l'année 1666 la désigne sous le nom de St André de Viessouix.

Voici l'énumération exacte des lieux-dits:

Lieux-dits:

A

Acre, aval, aillerie, aumône, aubinière, auslières, aisries, acquisition.

B

Blanche crière, bons thomas, bocais, blanc champ, butte, butte pointue, butte du milieu, brière, bosquet, bois, bruyère, buisson, barrière, boullaie, butte besnard, bocquet, busoquet.

C

Court champ, cour du moulin, clos du moulin, croute, champ à la dame, costils, crière, couvie, champ de pierre, champ cosnon, champ du four, champ Ralet, courtîl, cartrons, champ de Viessoix, clos aux dames, carreaux, champ poulin, couette, clos des masures, coudrée, coudraie, clos henry, champ de derrière, clos heuzé, clos de pas, carrières, champ de la croix, court champ, coutures, champ mottard, champ jacquelin, clos maurice, craponnière, champ du chemin, coursières, clos à la muette, crète, campion jardin, clos aux veaux, chesnée, champ du racoin, champ sommier, champ guillaume, canal, clos bazière, criérette, coupets, closet, champ gallon, chasse, clos du saule, cannevry, chenets, carrière longuet, champ au boeuf, chastelliers, champ marin, champ de la caille, champ de la loge, catherie, champ du puits, champ nanette, champ renard, consignation, cannetière, châtaigniers, clos margot, caudre, champ sapin, champ colin, champ tirel, champ rond, champ au bonhomme, cramboquet, carronnerie, cognet, coursières, crière de la voie, champ de devant la porte, champ cantîne, chemin, champ du bout du courtil, champ du canard, vieux champ.

D

Domaines, droit champ, demi-acre, douaires, duverie de haut, duverie de bas, dix vergées, douve.

E

Epines, essards, épine motel.

F

Fils, frisellière, forts groults, fours, fosse.

G

Grange des Champs, grand champ, grifaigue, grainonnière, grand champ de rue, gaudron, guesnon, genêts, garenne, grange marie.

H

Hoguettes, hutes, houe, hanguet, hauguette, hoguette, haut de la vergée, hutterie, haize, houssaie, hutriaux, hautes terres, herbe, hache.

L

Long champ, lande de la maladerie, limondie, lande lambert, lande des aunaies, longue haie, loge.

M

Moulin de Viessoix, mazure, mare de la Personnerie, mottes, mouchoir, moulin de la Teinturerie, mont plé, marinière, mégrette, mare de haut, mare de bas.

N

Neuf clos, noë, noë Hardy, nanet, navette.

P

Grand pré, pré poupion, pièce près le moulin, pré du moulin, pré des ruettes, pré de l'écluse, petit bois, plan à la dame, pré des ger..., pré des masures, pièce de la forge, pré de la chambre, pré des marettes, pré de la cavée, pré de la planche, pré du parc, pré des vergées, pré du clos heuzé, pré chênée, pré de la Personnerie, pré du vigue, pré dessous le plant, pré des sources, pré du hoguet, pré des rivières, pré du pont, pré de la hudorsière, pestil, pouraison, pallière, plant de bas, plant de haut, paradis, pré gasset, pré huant, pointe, pré de la fontaine, petit pré, pépinière, pré de la canonnière, péret, pré des noës, parc, plant, paitis, petit chemin, pré géret, pré du roc, pièce des mézières, pré de la noite, pré de la bloquette, pré de la planche, pré du perlier, pré de la marette, vieux pré.

Q

Qualseure, quatelines.

R

Ruettes, roquet, remblais, roquettes, riot, roncette, rue, roche, ruaux, réquisition, roger.

S

Sept vergées, saussaie, sillons, soubrie.

T

Torp champ, trocques, traversin, turnes, tai..., turnellière, tête dollet, tocquets.

V

Vannerie, vallée, vieux pré, valette, vaucelle, vaux varin, vivier, vallon, vals geffroy, ville, vergée, vignonnet.

Remarque: Ont été omis comme inutiles:

1°: la plupart des noms dans lesquels entrent des expressions: de haut, de bas, ex: crière de haut, hoguettes de bas, … ces appellations n'étant qu'une répétition du nom principal, inscrit à son rang;

2°: les noms de hameaux, par lesquels sont désignés tous les vergers et toutes les maisons de la commune, les hameaux étant indiqués au commencement de cette étude;

3°: enfin les noms des précédents propriétaires, assez souvent reproduits après les mots Champ ou pré; ex: champ aux Duchemin, pré aux Hardy, etc...

Population:

La population communale a subi à Viessoix de nombreuses variations, et finalement se trouve en décroissance considérable. Les états de recensement conservés aux archives fournissent les chiffres suivants:

En 1836: 1267 habitants;

En 1841: 1303; il faut remarquer qu'une filature de laine s'était établie à Viessoix et occupait une centaine d'ouvriers, dont beaucoup venaient de communes étrangères.

En 1846: 1249 habitants;
En 1851: 1195 habitants;
En 1856: 1120 habitants;
En 1872: 1044 habitants;
En 1876: 1038 habitants;
En 1881: 969 habitants;
Enfin, en 1886: 902 habitants.

Les mariages existant dans la commune aux époques précédentes sont:

En 1836: 237;
En 1841: 225;
En 1846: inconnu;
En 1851: 229;
En 1856: 219;
En 1872: 230;
En 1876: 239;
En 1881: 216;
En 1886: 204;

Voici de plus le relevé des naissances, mariages et décès ayant eu lieu dans la commune depuis l'année 1803:

Mariages-Naissances-Décès

1803 à 1813: 66-252-257
1813 à 1823: 86-293-233
1823 à 1833: 106-315-255
1833 à 1843: 74-296-311
1843 à 1853 : 82-272-283
1853 à 1863 : 102-204-231
1863 à 1873 : 93-251-281
1873 à 1883: 68-186-230
1883 à 1886: 39-57-98

TOTAUX: 716-2126-2179

De l'examen de ce tableau, il faut conclure: que si depuis quelques années surtout, le nombre des naissances est notablement inférieur à celui des décès, la dépopulation de la commune provient surtout d'une autre cause. Laquelle? L'émigration vers les centres industriels et les grandes villes.

L'absence complète d'industrie, l'insuffisance des travaux agricoles et la médiocrité des salaires ont été les causes déterminantes de ce mouvement. Pour les mêmes motifs, chaque année, un certain nombre de pères de famille quittent femme et enfants et s'en vont pendant plusieurs semaines, faire la moisson aux environs de Caen, d'Évreux ou de Rouen.

Caractère des habitants:

Est-il nécessaire de dire qu'on trouve à Viessoix les qualités et les défauts du caractère normand? Railleur, peu communicatif, économe parfois jusqu'à l'excès en vue d'agrandir son petit domaine de quelques ares achetés du voisin: tel est généralement l'habitant de cette localité, comme celui des communes voisines.

Climat:

Le climat est sain, les épidémies y sont rares. Pas de marais, beaucoup de bois, voilà les circonstances locales qui contribuent assurément à cette salubrité.

Longévité:

La moitié environ des habitants parvient à l'âge de trente-cinq ans; un treizième au moins dépasse soixante ans, un cinquantième plus de soixante-dix ans; les octogénaires y sont généralement au nombre de 4 à 8; aucun, en ce moment, n'est parvenu à 90 ans.

Habitations:

Chose extraordinaire: beaucoup de cultivateurs, qu'on voit soigneux presque en toutes choses, ustensiles de labour, bestiaux, chevaux surtout qu'ils veulent modelés, propres et bons marcheurs, sont d'une indifférence flagrante quant à leurs habitations personnelles, trop souvent établies et utilisées en dépit de toutes les règles des convenances et de l'hygiène. Situées dans les parties les plus basses des vergers; avoisinées par la grange, l'étable et l'écurie; entourées de tas de fumier, de débris de toutes sortes qu'on laisse séjourner dans les cours jusqu'à leur transformation en terreau; n'ayant que des aires froides d'argile ou de béton; ne comprenant enfin généralement qu'une vaste cuisine employée à toutes les préparations de la ferme, aux divers services du ménage et au repos de la famille entière pendant la nuit: telles sont la plupart des maisons dans la localité. Dans aucune peut-être les améliorations n'ont dépassé ce qui suit: établissement d'une laiterie et d'un cabinet pris aux dépens de l'ancienne cuisine, percement d'une ou deux fenêtres pour éclairer ces nouvelles pièces, appropriation du foyer en forme de cintre et au moyen de briques, de façon à masquer la grande cheminée où l'on mettait à la fois deux bons fagots et autour de laquelle se réunissaient dans les grands jours deux ou trois familles nombreuses.

Langage:

Bien que le langage de la commune soit encore éloigné du véritable français, qu'il soit surtout défiguré par l'accent bocain (ex: jumeis au lieu de jument, aossi – à peu près comme l'anglais ou – pour aussi, etc.), il est pourtant un des plus intelligibles de la Basse-Normandie. Les vieillards seuls s'attachent encore à certaines expressions telles que:

Itout pour aussi;
énui pour aujourd'hui;
drainne pour dernière;
co, au lieu de encore;
mè, au lieu de moi;
coutè, au lieu de couteau;
cré, au lieu de crois;
sè, au lieu de soif ou de soi;
cheux au lieu de chez;
iau pour eau;
queu, au lieu de cuit ou de quel;
pleume au lieu de plume;
un pi, pour un puits;
un persou, pour un pressoir;
deu ptun, pour du tabac;
etc.. etc..

Le nom même de la commune n'échappe pas toujours à cette atteinte, et l'on entend parfois: Vieux-soui, au lieu de Viessoix.

Pas de jeux dans la commune, sinon l'insipide jeu de cartes connu sous le nom de trente-et-un, où le plaisir se mesure au nombre et à l'adresse des tricheurs.

Degré d'instruction:

L'instruction générale des habitants est peu élevée, mais les illettrés y sont rares; inutile de dire qu'il ne s'en trouve plus parmi les jeunes gens des deux sexes.

Événements remarquables:

Aucun événement important n'a dû se passer à Viessoix, qui, en 1870-71, eut l'heureuse fortune de se trouver en dehors du territoire envahi.

Charles X y passa, se rendant en exil. Les vieillards parlent encore du silence respectueux que lui témoigna la population et d'un magnifique bouquet que les jeunes filles vinrent lui offrir.

Vingt ans après, Louis Bonaparte, Président de la République, s'y montra aussi. Il y reçut de nombreuses acclamations mêlées, dit-on, de quelques murmures, qui furent aussitôt dénoncés et suivis de blâmes sévères ou de destitutions.

Enfin un déraillement de chemin de fer eut lieu près le Bourg de Viessoix en janvier 1884. La locomotive fut précipitée dans la rivière, d'une hauteur de douze mètres environ; cinq ou six wagons furent broyés ou renversés, une dizaine de voyageurs et deux employés plus ou moins contusionnés, un troisième employé mourut des suites de ses blessures.

Croyances populaires:

Il existe, au centre de la commune, une croix connue sous le nom de Croix au Lièvre, parce que, chose assez bizarre, l'une des faces de son socle montre un lièvre taillé en relief dans le granit. Faut-il relater la légende qui la concerne. La voici:

"A une époque qu'il n'est pas possible de préciser, et pour cause, des lièvres aux allures étranges s'assemblaient en grand nombre au carrefour qui, à cause de ce fait, reçut le nom de carrefour aux lièvres.

Des passants les avaient vus, jouant, gambadant, et, qui plus est, tenant propos et conseils. Aussi ce carrefour devint l'effroi de la contrée, et personne n'en approchait pendant la nuit.

Cependant quelqu'un plus hardi (il y a toujours eu des braves à Viessoix), voulut examiner de près cette affaire. Armé d'un fusil, il se rendit dans un des champs voisins, et, blotti dans les broussailles les plus rapprochées, il observa avec attention.

Bientôt un lièvre, puis beaucoup d'autres arrivèrent, se livrant à des jeux étranges et parlant comme des humains, si bien que notre homme, transi de peur, oublia son arme et l'usage qu'il pouvait en faire.

Après ce colloque, les lièvres se dispersèrent, le témoin de la scène regagna comme il put son logis, … et, plus tard, une croix fut élevée en ce lieu pour empêcher le retour de ces trop étranges animaux".

Il est peut-être bon d'observer ici que si la croyance aux revenants s'est notablement amoindrie dans la localité, on n'en saurait dire autant de deux choses qu'on appelle généralement les "visions" et les "tours-joués".

Les visions? Ce sont des individus sans foi ni loi qui, par des moyens inconnus, sans doute un pacte avec le diable, revêtent la forme de toutes sortes d'animaux et vont ensuite dans des lieux retirés suivre et effrayer les passants. Le marché conclu, ils sont, assure-t-on, contraints à ce manège pendant un temps déterminé, et rien ne saurait leur être plus préjudiciable que d'être arrêtés par quelque homme robuste qui ait l'audace et la force de les terrasser et les déhurer. Ce dernier terme est le mot propre en la circonstance!!

Les tours-joués? Ce sont des atteintes sur des personnes ou des animaux, atteintes produites par des paroles cabalistiques ou des indications de mauvais livres, et d'où résultent des maladies étranges, des pertes réitérées de bestiaux, etc..., jusqu'au moment où quelqu'un, plus puissant, déjoue le tour et rétablit l'ordre et la sécurité.

Sur ces deux thèmes, les critiques sont impuissantes, car les histoires abondent (anciennes il est vrai, ces choses se passaient surtout autrefois!...), mais appuyées sur les témoignages les plus respectables et les plus précis!!

Les croyances suivantes comptent également beaucoup de partisans à Viessoix et aux environs:

Le cri de la chouette auprès d'une habitation est l'indice assuré d'un malheur prochain: mort ou maladie;

Il n'est pas bon d'être treize à table: l'un des convives pourrait en mourir dans l'année;

Faire tourner une chaise est chose fort mauvaise; il peut en résulter des événements graves dans la maison;

Une poule qui chante le coq (on devrait dire: qui chante comme le coq) épie la mort de son maître. Aussi a-t-on soin de s'en débarrasser à la plus prochaine occasion.

"Semez toujours vos trémaines un jour dont le nom ne contient pas d'r". Pourquoi? Parce qu'elles feraient enfler les bestiaux; ou bien: parce que les anciens faisaient toujours ainsi.

Le chant de la caille, quelques semaines avant la moisson, indique le prix du blé pendant l'année suivante. Autant de fois elle se répète, autant de pistoles pour un sac (2 hectol.).

Enfin le décours et le croissant de la lune sont tout à fait à observer dans une foule de travaux: semis de graines, pressurage des pommes, salaison des porcs, etc...

Que conclure de toutes ces choses, sinon que rien n'est mieux enraciné que les préjugés, la routine et la superstition.

Église:

L'église de Viessoix est ancienne sauf le chœur, qui a été reconstruit vers 1840; la partie conservée contient une petite fenêtre romane, aujourd'hui remplie, et quelques vestiges de la vieille maçonnerie connue sous le nom d'arêtes de poisson.

Patron:

Le patron de l'église est St André, dont la fête vient le 30 novembre.

"Saint André; sancté Andræè:
"Trois jours et trois s'main' devant Noèl", disent les gens du pays.

Fête patronale:

Mais la fête de Viessoix a lieu le dernier dimanche d'août, à l'occasion de St Mammès, auquel est consacrée une des deux chapelles de l'église et qui est invoqué pour la guérison des coliques.

La statue du saint, qu'un spécialiste voulait faire remonter à plusieurs siècles, a été faite il y a soixante ans environ par un menuisier de Viessoix; La figure indique assez bien la souffrance et la résignation.

Pierres tombales:

Des pierres tombales en granit, dont les inscriptions remontent au dix-septième et au dix-huitième siècle, ont été récemment travaillées et utilisées au pavage de la nef et du portail. Dans ce dernier se voit l'inscription suivante:

"Tombeau de Jean Antoine
Pilastre Prêtre qui a donné aux
obitiers trésor rosaire école et
pauvres de cette paroisse 82 l.
8 s. de rente décédé le 19 may
1738 Priez Dieu pour lui".

Nous la rappellerons au sujet des écoles.

Quelques autres pierres tombales forment une partie de la clôture du cimetière. Elles sont de la première moitié du dix-septième siècle; les lettres en sont presque entièrement effacées.

Peintures murales:

Il n'existe dans l'église aucune peinture murale.

Vitraux:

Les vitraux du chœur sont grossièrement travaillés; ceux des chapelles dénotent un meilleur goût; les croisées de la nef sont en verre ordinaire; enfin le mobilier de l'église est ancien, mais assez bien conservé. Dans la chapelle de la Vierge, l'autel est, dit-on, de style Louix XV, et mérite l'attention des visiteurs.

Clocher:

La tour, ancienne et laide, est en forme de bâtiment comme toutes celles des environs de Vire, et contient deux petites cloches sur lesquelles se trouvent les inscriptions suivantes:

1° Sur la petite:

"J'ai été bénite par Mr François Levoivenelle, curé de Viessoix et nommée Jeanne Sophie par Mr Jean Baptiste Geffroy Dr médecin maire de la commune époux de demoiselle Marie Richer, et par dame Sophie Faucon de St-Germain épouse de Mr Pierre François Lebailly juge du tribunal civil et juge d'instruction de l'arrondissement de Vire. L'an 1816".

2° Sur la grosse:

"J'ai été bénite par Mr François Levoivenelle curé de Viessoix et nommée Françoise Victoire par Mr François Bruno de Lahuppe Larturière époux de demoiselle Agathe Hubert du Boulay et par demoiselle Victoire Mauduit veuve de Mr Coquard Mr René Surbled trésorier Mrs Georges Leconte Thomas Cailly Jean Bte Poupion Huissier Marguilliers, Mr Jean Bte Surbled Adjoint, Anno Domini 1816. Les frères Grente de Hambye nous ont faites".

Cimetière:

Le cimetière entoure l'église; le calvaire qui s'y voit est informe, il date de 1806. Deux ifs s'y trouvent; le plus ancien a une circonférence de 5 mètres 82 centimètres.

Maladrerie:

Au centre de la commune est une parcelle de terre nommée, dans les lieux-dits, Lande de la Maladerie. Tout auprès est une ferme réputée pour son insalubrité, des maladies continuelles y décimant les bestiaux. A côté se trouve un petit chemin rural profond, couvert, et continuellement rempli d'eau.

Si une maladrerie a existé en cet endroit, – ainsi qu'on le suppose – il faut convenir qu'aucun autre lieu ne répondait mieux aux idées de l'époque et à l'horreur qu'inspiraient les malheureux qui devaient y vivre.

Fontaine:

Une fontaine peu éloignée est appelée La Jouvence; mais, bien différente de celle de la Fable, elle fut accusée de produire des goitres. Le chemin de fer la sépare aujourd'hui des habitations, et... conséquence de ce fait ou d'un changement de population, ces infirmités ont disparu du voisinage.

Châteaux:

Pas d'ancien château dans la commune; pas même de construction récente quelque peu digne de remarque.

A la Duverie se trouve un fort joli bois, avec un remarquable aménagement d'eaux: mares, canaux, établissement de pisciculture, etc...

A la Ritière, on voit une superbe collection de rhododendrons et une fort belle serre de camélias.

Scories:

En deux endroits différents de la commune, autrefois situés au milieu des bois, se trouvent des amas de scories, que les voisins utilisent pour l'encaissement des chemins. Proviennent-elles de hauts-fourneaux?

Sont-elles plutôt le produit d'anciens ateliers de forgerons? On l'ignore. Mais la dernière de ces hypothèses est la plus vraisemblable, car aucun minerai ne se trouve dans la contrée, et ces lieux étaient assurément d'un très difficile accès. On sait d'ailleurs que les forgerons s'établissaient de préférence dans les bois: pour éviter le transport du combustible par des sentiers presque impraticables, ils installaient dans les bois leur atelier et leur maison.

Matière minérale:

Dans un chemin dit de pouraison on voit une terre noirâtre que les habitants du pays emploient en peinture sur les solives de leurs habitations. Nous en avons sollicité l'analyse à la Faculté des Sciences de Caen, et Mr le Doyen a daigné nous faire connaître que cette terre contient surtout de l'ocre et des parcelles de charbon, matières permettant de l'employer en détrempe. Les pierres qu'elle renferme ont l'aspect de la houille, mais le feu les fait éclater.

Écoles:

L'inscription tombale relevée précédemment permet d'affirmer qu'une école existait à Viessoix en l'année 1738, et il est certain que Viessoix avait ainsi devancé la plupart des communes environnantes dans la voie de l'instruction.

En 1770, le Curé, Mr de Cheux, fit construire dans un angle du cimetière et sur une parcelle de terrain communal, deux maisons qu'on dut trouver assez remarquables à cette époque, et où furent établies une école de garçons et une école de filles.

Ces deux maisons existent encore aujourd'hui, bien que celle des garçons ne soit plus habitée. Au-dessus de la porte, on voit dans le granit cette inscription:

"Ad majorem Dei gloriam.
De Cheux, curé de Viessoix.
1770".

Qu'y fut l'organisation de l'enseignement?

Aucun document ne l'indique, non plus que pour la période révolutionnaire et l'Empire. Sur les registres de l'état-civil, les signatures devinrent assez nombreuses et assez remarquables.

Ainsi, de 1786 à 1790, 27 mariages furent contractés; 24 époux purent les signer, et 20 épouses.

Trente ans plus tard, de 1816 à 1820, le nombre des mariages fut de 33; ils furent signés par 32 époux et 23 épouses.

Vers cette dernière époque, le maître et la maîtresse ne passaient que quelques heures chaque jour dans leurs écoles et se rendaient ensuite dans les villages pour y donner l'instruction. C'est ainsi qu'on montre encore un pressoir du hameau le Chemin, où le maître d'école réunissait des enfants pour leur apprendre à lire et à écrire – certaines parties du pressoir faisant office de tables et de bancs. Que recevait-il pour ce travail? La soupe et quelques sous.

Bientôt après, les enfants de la commune et ceux des communes voisines vinrent en grand nombre à l'école de Viessoix, et 120 à 150 garçons (les filles étaient moins nombreuses) s'entassèrent chaque jour dans une salle d'une superficie de 25 à 30 mètres carrés. Qu'y apprenaient-ils? A lire, écrire, compter, et un peu d'orthographe. Le maître taillait les plumes, s'absentait fréquemment pour donner les passavants ou vendre du tabac. Les élèves, à tour de rôle, allaient écrire à l'unique table du local, puis revenaient sur les bancs, où la place était des plus restreintes.

Celui qui écrit ces lignes a résidé pendant 9 ans dans cette vieille maison, à laquelle, en 1882, on a substitué enfin, non sans peine, une construction très convenablement disposée et munie d'un bon mobilier scolaire.

Une construction d'école de filles et d'école enfantine est à l'étude depuis deux ans; la nécessité d'une solution prochaine se fait vivement sentir. Aujourd'hui l'école des garçons est fréquentée par 60 à 70 élèves, celle des filles par 40 à 50. Les enfants viennent avec assiduité et les familles apprécient comme il convient l'utilité de l'instruction.

Michel Le Tellier: Le Jésuite Michel Le Tellier est-il né à Viessoix?

Un ouvrage que nous avons entre les mains et qui a pour titre: "Notices sur les hommes du Calvados qui se sont fait remarquer par leurs actions ou par leurs ouvrages", et pour auteur Mr Boisard, donne à ce sujet l'indication suivante:

"Tellier (Michel Le), né à Viessoix, le 16 décembre 1643".

Or, un examen minutieux des actes de mariages, baptêmes et inhumations de cette époque, nous a montré que les registres des années 1630 à 1660 ne contiennent pas ce nom, et qu'aucune famille Tellier ou Le Tellier n'existait à Viessoix.

Ces registres paraissent avoir été tenus avec soin; l'écriture en est rarement illisible et ils n'ont été l'objet d'aucune mutilation. Nous en concluons que Michel Le Tellier est né ailleurs qu'à Viessoix, – peut-être à Neuville ou Maisoncelles-la-Jourdan qui possédaient, dit-on, des familles de ce nom".

Viessoix, le 26 décembre 1886. L'instituteur, L. Lebel

***

Précision de Pascal Binet, la Manche Libre, octobre ou novembre 2013:

Michel Letellier, jésuite, mort en 1719 à la Flèche, dernier confesseur de Louis XIV, de février 1709 à 1715, est né le 16 octobre 1643 au Vast, dans le Cotentin.


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