Le Père Jules Bazin (1868-1904)

 

Dans le petit cimetière de Montsecret, on trouve une tombe qui ne manque pas d'intriguer. Sous la photo d'un jeune Père blanc, il est écrit:

Mme Basilide Bazin
née Julie Leconte
1843-1927

Abbé Jules Bazin
Missionnaire
des Pères blancs
1868-1904

De profundis

L'abbé Jules Constant Bazin est né le 29 octobre 1868 à Montsecret, de Basilide Bazin, cultivateur au lieudit Lingrie, et de Julie Françoise Leconte, mariés le 30 mai 1866. Son arrière-grand-père Charles Bazin, originaire de Frênes, s'était  installé à Montsecret où il avait épousé Anne Françoise Aubine le 26 novembre 1789. On remonte son ascendance à Toussaint Bazin, né vers 1600 et qui vivait déjà à Frênes.

Fils unique, devenu missionnaire des Pères blancs, il est mort en 1904 et a été inhumé à Karema, en Tanzanie, avant de prendre ses fonctions de vicaire apostolique. 

Ses nominations d'après les archives de Rome:

01/08/1894: professeur de philosophie, Boissy-Saint-Léger.
01/09/1895: professeur, Binson, France.
01/09/1897: professeur, Carthage, Tunisie.
09/10/1903: nommé à Karema, Tanganyika.
13/11/1904: décès à Karema.

29/09/1888: arrivée au Noviciat.
07/10/1888: prise d'habit.
25/09/1890: serment à Carthage.
26/10/1890: tonsure à Carthage.
septembre 1892 et 14 septembre 1893: ordres mineurs à Carthage.
22/07/1894: sous-diaconat à Maison Carrée.
26/07/1894: diaconat à Maison Carrée.
29/07/1894: sacerdoce à Maison Carrée.

Il serait sur la photo ci-dessous avec sa caravane en 1903. On lit sur les valises Tanganika, Nyassa, Haut-Congo:


Une légende manuscrite indique leurs noms sur la photo originale, mais il manque un nom au rang supérieur:
Debout, de gauche à droite: 1) Willibrord (Goedemans), 2) Braire, 3) Frédéric Termaet,
4) Jean-Baptiste Tellegen, 5) Edmond Bertrand, 6) Breischtroff, 7) Adrien Teurlings.
Assis: 1) Félix Bournez, 2) Eugène Burdet, 3) Bazin Jules, 4) Gerard Van Muyen, 5) Motte, 6) Schoonheydt Joseph.

   

Son serment:

Moi, Jules Constant Bazin, fais serment, sur les Saints Evangiles, de me consacrer désormais et jusqu'à la mort, à l'oeuvre des Missions d'Afrique, selon les Règles et Constitutions de la Société des Missionnaires séculiers d'Alger, placée sous la protection de Notre-Dame des Missions d'Afrique.

Je promets et jure soumission aux Supérieurs de ladite Société, pour tout ce qui concerne les emplois auxquels ils me nommeront, et la manière de les remplir selon les Règles de la même Société.

Je m'engage, en outre, à pratiquer la pauvreté et le zèle évangéliques, tels qu'ils sont prescrits par les Règles de la Société.

Carthage, le 25 septembre 1890.

Bazin

Voici sa notice nécrologique:

Chronique trimestrielle n° 32 pages 217-218 (journal interne des Pères Blancs):
Notice nécrologique.
Le Père Jules Bazin
(Extraits d'une lettre du P. Avon).

Naissance, en 1868, à Montsecret (Orne); prise d'habit, 7 octobre 1888; serment, 1890; prêtrise 28 juillet 1894; décès 13 novembre 1904 à Karéma (Tanganika).

Au commencement d'octobre, le P. Bazin prêcha aux missionnaires du vicariat une retraite présidée par Mgr le Vicaire apostolique. Le voyage jusqu'à Kirando où avaient lieu les exercices ne le fatigua pas, et il commença bravement ses quatre instructions par jour. A Monseigneur qui s'offrit à le remplacer au besoin, il répondit: "Je suis étonné moi-même de mes forces: je n'ai pas de fièvre du tout, j'irai jusqu'au bout". Ses confrères furent enchantés du côté si pratique de ses conférences et de sa parfaite connaissance des Noirs et des œuvres du vicariat, et Sa Grandeur le félicita chaudement, le soir de la clôture, de la part de tous les retraitants.

A l'issue de la retraite, le P. Bazin se voyant donc plein de forces, accepta l'invitation qui lui fut faite par le P. Moinet de l'accompagner à la manyka (plaine) où Monseigneur devait bénir une chapelle succursale, et, au retour, il passa même par la nouvelle station de Mpimbwé. La fête plut beaucoup à notre confrère qui, au retour, nous la racontait dans les moindres détails. Mais hélas! Il avait trop présumé de ses forces: il rentrait assez fatigué de la marche, ne s'étant presque pas servi de la machila mise à sa disposition. "Je vois bien, disait-il après coup, que dans ce pays il faut éviter les longues marches".

Cependant une quinzaine de jours se passèrent sans qu'il eût aucune fièvre; il vaquait à ses occupations comme aux meilleurs jours. Le samedi 11 novembre, il fut pris de fièvre, après un stade de froid qui ne dura pas longtemps. Samedi matin, il se leva et même déjeuna légèrement, et prit une bonne dose de quinine, mais vers 8 heures, il fut saisi d'un frisson et tout aussitôt l'hémoglobinurie se déclarait.

Avec l'aide d'Adrien (le médecin noir) nous le soignâmes de notre mieux, mais son estomac, très mauvais en temps ordinaire, était fermé à toute médication. Les selles abondantes au début s'arrêtèrent bientôt, dès lors l'ictère s'accentua et nous craignîmes un empoisonnement du sang dans le genre de celui qui a emporté les PP. Daull et Mesters.

Nos craintes se réalisèrent. Le malade souffrit beaucoup toute la nuit du samedi et la journée du dimanche; il n'avait même que de très courts intervalles de connaissance. On l'entendit cependant répéter plusieurs fois: "Mon Dieu! Mon Dieu!" et même une fois: "Mon Dieu, faites-moi mourir". Car il était prêt. Aussitôt atteint de la terrible maladie, il avait demandé à se confesser et avait reçu l'Extrême-Onction avec une grande piété. Comme les vomissements étaient continuels, il ne put pas recevoir le saint viatique, ce qu'il regretta extrêmement.

Jusqu'à son dernier soupir, le malade souffrit beaucoup, se retournant sans cesse et ne pouvant supporter sur lui même un drap de lit. Vers six heures du soir, il rendit son âme à Dieu, assisté par les prières de tous ses confrères.

La consternation fut générale. Deux jours auparavant, les Noirs l'avaient vu bien portant, et maintenant il n'était plus. Toute la journée du lundi, ils vinrent sans discontinuer prier auprès de son corps et, surpris de la sérénité de son visage, ils disaient: "Mais il n'est pas mort; il n'est qu'endormi".

Le Vicariat du Tanganika ressentira douloureusement cette perte: Monseigneur avait en lui un conseiller intelligent, sûr et dévoué, et la Mission un excellent ouvrier. Que faire? Sinon baiser la main du Maître de la vie et de la mort.

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