LE CHEMIN d'AMBRIÈRES à CHERBOURG

Commune de Bernières-le-Patry (Calvados)

 

Il existe à Bernières-le-Patry, au village de Noron, un chemin que les agriculteurs du voisinage nomment encore le chemin d'Ambrières, ou chemin d'Ambrières à Cherbourg. Ce chemin, transformé de façon radicale à l'occasion du remembrement, présente tous les aspects d'une très ancienne voie de communication:

  • Son nom se retrouve dans les années 1820 sur les plans cadastraux napoléoniens de Bernières-le-Patry, Viessoix, Burcy. C'est alors une importante voie de communication, répertoriée sur plusieurs communes. Son tracé, parfois tortueux, suit très clairement un axe nord-nord-ouest/sud-sud-est.

  • Ambrières désigne Ambrières-les-Vallées (autrefois Ambrières, puis Ambrières-le-Grand), en Mayenne, à 23 km au sud de Domfront. Domfront est une cité médiévale de grande importance depuis l'an 1000, qui éclipse Ambrières dont le nom évoque la tribu gauloise des Ambibarii. Pour que le chemin, qui passait par Domfront et Tinchebray, porte le nom d'Ambrières et non de Domfront ou de Tinchebray, c'est qu'il doit dater d'une époque très reculée où Domfront n'était pas encore entré dans l'Histoire. Or, à 20 km au sud-est de Ambrières, on trouve Jublains, ancienne capitale de la tribu gauloise des Diablinthes et qui est restée une remarquable cité gallo-romaine.

  • Quatre voies importantes traversaient Jublains de part en part à l'époque gallo-romaine. Deux d'entre elles se dirigeaient vers le nord, dont l'une traversait Domfront, Tinchebray, Valognes, Cherbourg. Son parcours passait très probablement par Bernières-le-Patry, Torigni-sur-Vire et Saint-Lô. L'autre voie du nord se rendait à Vieux.

  • A Bernières-le-Patry, les rares traces évoquant l'époque romaine se trouvent à proximité immédiate du chemin d'Ambrières. Il traverse ainsi les rivières la Diane et son affluent la Jouvine. Les Romains divinisaient les rivières, et Diane était une déesse tout à fait appropriée en ce Bocage. Le poète bocain Lesmasures attribuait pour origine au nom de Jouvine la nymphe Jouvence, compagne de Diane. En outre, près du chemin se trouve un champ dit le Castellier, nom typique des anciens camps fortifiés. Enfin, l'on trouvait également au XVIe siècle un lieu dit la Chaussée de Frébout, à 400 m du chemin d'Ambrières. Les chemins dénommés la Chaussée sont généralement très anciens. A noter enfin que la Diane se jette dans le Noireau au lieudit Pont Dienne, entre Montsecret et Saint-Pierre-d'Entremont, et qu'en cet endroit c'est la voie de Tinchebray à Vieux qui passait.

  • Selon certains étymologistes, Noron pourrait être un nom gaulois désignant un endroit humide, marécageux, ce qui correspond tout à fait aux prés que longe la Diane. Noron serait ainsi le seul toponyme de cette origine sur la commune de Bernières-le-Patry.

En conclusion, on peut donc légitimement supposer que le chemin d'Ambrières est un antique chemin gaulois, utilisé par les Romains pour favoriser leur expansion dans notre contrée.

Il est même possible que ce chemin soit encore plus ancien. En effet, les outils préhistoriques connus découverts à Bernières-le-Patry l'ont tous été de part et d'autre du chemin d'Ambrières, à quelques centaines de mètres, aux lieudits Noron et Goupillet. Le chemin d'Ambrières existait donc déjà probablement au Néolithique, voici 5000 ans.

André-Edgar Poëssel dans son livre sur le département de l'Orne décrit le tracé de la voie romaine qui allait de Jublains (Noviodunum) à Cherbourg (Coriallo): Jublains, Loré, Saint-Front (aujourd'hui incorporé dans la partie est de Domfront), Saint-Bômer-les-Forges (partie ouest du bourg), Tinchebray... il s'arrête là car la voie entre ensuite dans l'actuel Calvados.

Le chemin d'Ambrières est mentionné dans un acte de 1445 du cartulaire du prieuré du Plessis-Grimoult concernant la paroisse de Burcy, ainsi que dans un acte notarié de 1573 au tabellionage de Vire concernant celle de Viessoix.

Son tracé dans le Bocage Virois, du sud au nord, est ensuite le suivant:

Saint-Quentin-les-Chardonnets

  • Probablement la route passant par le Bouillon, puis le chemin qui mène à la Quérullière et franchit la rivière la Jouvine.

Bernières-le-Patry

  • Très probablement le chemin passant au milieu du village de Bellefontaine, puis la route goudronnée qui longe la Planche et passe par Carpiquet.

  • Sur la ligne de crête, intersection avec l'ancien chemin de Truttemer-le-Petit à Bernières-le-Patry.

  • Descente le long du Champ Baloche où il existe encore un talus.

  • Actuel chemin jusqu'au carrefour de Noron.

  • Chemin goudronné sur 300 m, sans issue.

  • Tronçon de chemin de 200 m, qui franchit la rivière la Diane.

  • Le chemin continuait sur 600 m, et longeait le bois des Hairies par l'est. En arrivant sur le ruisseau des Landes qui longe le bois, le chemin s'écarte légèrement du bois jusqu'à une distance de 50 m. Il remontait alors vers le nord et faisait un léger décroché qui se voit sur la limite intercommunale. Le chemin d'Ambrières est visible sur la photographie aérienne de Bernières-le-Patry de 1947.

  • Tronçon de chemin de 350 m, qui sépare Bernières-le-Patry de Viessoix, et aboutit sur la route de la Gare qui longe la voie de chemin de fer.

Viessoix

  • Au-delà, le chemin continuait sur 900 m à travers champs jusqu'au château d'eau de l'Epine Mottet, séparant toujours Bernières-le-Patry de Viessoix. Il subsiste un talus sur la quasi totalité de cette distance, exception faite des derniers mètres. Le cadastre napoléonien de Viessoix le nomme chemin d'Ambruyère, ou encore chemin d'Ambryère.

  • Le chemin continuait vers Viessoix: c'est l'actuelle route goudronnée, qui sépare Viessoix de Chênedollé, sur une distance de 1,6 km. On passe ainsi par le lieudit Le Chemin, qui a donné son nom à la famille Duchemin.

  • En arrivant sur la Coquerie, il contourne le village par l'est, à partir du croisement avec le petit chemin qui vient de la Cibotière. Ce tronçon de chemin d'Ambrières, long de 250 m, existe toujours. Au croisement entre la route goudronnée et le départ du chemin vers le nord se trouvait autrefois une croix de chemin érigée par Pierre Leteinturier au XVIIe siècle.

  • On retrouve ensuite la route goudronnée au-dessus de la Coquerie, qui au bout de 300 m croise la route nationale de Vire à Vassy.

  • Le chemin d'Ambrières se prolonge tout droit par un chemin encore existant, long de 800 m, qui traverse le lieudit les Templeries.

  • Il continuait tout droit, seul reste un tronçon goudronné de 200 mètres.

  • Les 300 mètres suivants ont disparu.

  • On retrouve ensuite 500 mètres de chemin toujours existants, à mi-chemin à vol d'oiseau entre le Coisel et Pavée, la moitié sur Viessoix, l'autre sur Burcy.

Burcy

  • Les 200 m suivants n'existent plus.

  • On retrouve le chemin d'Ambrières par un chemin encore existant, qui contourne la Botterie par l'est.

  • On poursuit en direction du bourg de Burcy, pour retrouver un chemin semi-goudronné qui permet d'accéder à la Botterie en venant du bourg sans prendre la côte du Coisel.

  • On retrouve la route goudronnée près du village de la Motte, puis l'on franchit l'Allière pour entrer dans le bourg de Burcy.

  • Le chemin d'Ambrières poursuivait sa route en droite ligne vers le nord, on distingue encore le tronçon correspondant. Le cadastre napoléonien de Burcy le nomme Chemin d'Ambrières.

  • Il faisait ensuite un virage accentué sur la droite avant d'en effectuer un autre sur la gauche, de manière à revenir dans la direction initiale, pour aboutir au lieudit Villeneuve sur l'actuelle route de Vire à Aunay-sur-Odon.

  • Il poursuit alors en ligne droite sur l'actuelle route goudronnée, sur environ 3 km, qui fait rapidement office de limite entre la Graverie et le Désert.

En juin 2011, mon cousin Yves Maupas me livre une information très intéressante. Voici une vingtaine d'années, avant le remembrement, Thierry Chanu, agriculteur à la Botterie sur Burcy, lui avait en effet indiqué qu'il existait dans ses champs une petite portion de voie romaine avec des pavés. Il s'agit bien sûr du chemin d'Ambrières.

Le Désert

  • On poursuit sur des routes goudronnées: celle qui longe le Mesnil et aboutit à la route nationale de Vire à Caen, que l'on emprunte sur 250 m pour reprendre la route du Reculey à Carville.

Le Reculey

  • Sur la commune du Reculey, le chemin d'Ambrières est totalement goudronné actuellement, sur une longueur de 3,5 km jusqu'au lieudit le Pont de Peyvres.

La logique veut qu'ensuite le chemin d'Ambrières se poursuive vers le nord en passant sur une petite partie du Bény-Bocage et en continuant par le bourg de Carville, puis peut-être la route de Torigny-sur-Vire, mais à partir de Carville on n'en trouve plus trace sur le plan napoléonien si ce n'est sous des noms locaux.

Sources:

Cadastre Napoléonien de Bernières-le-Patry, Viessoix, Burcy.
L'Orne et l'histoire, André-Edgar Poëssel, 1990, pages 69 et 70.
Histoire de Tinchebray, Abbé Dumaine, tome I, page 7.
Archives départementales du Calvados.

 

 

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